SPLEEN
Charles Baudelaire
- Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
- Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
- Et que de l'horizon embrassant tout le cercle
- Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits;
- Quand la terre est changée en un cachot humide,
- Où l'Espérance, comme une chauve-souris,
- S'en va battant les murs de son aile timide
- Et se cognant la tête à des plafonds pourris;
- Quand la pluie étalant ses immenses traînées
- D'une vaste prison imite les barreaux,
- Et qu'un peuple muet d'infâmes araignées
- Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,
- Des cloches tout à coup sautent avec furie
- Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,
- Ainsi que des esprits errants et sans patrie
- Qui se mettent à geindre opiniâtrement.
- - Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
- Défilent lentement dans mon âme; l'Espoir,
- Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique,
- Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.
Strophe 1 : le ciel est sombre et il semble peser sur la tête du poète comme un couvercle à signifier la sensation d’Angoisse et d’Ennui.
Strophe 2 e 3: L’image de l’Espérance qui est prisonnière dans un cachot, et des traînes de la pluie qui imitent les barreaux d’une prison, représente l’âme qui cherche d’échapper loin de ce monde lourd et triste. La pluie qui continue à tomber et qui dessine les barreaux à la fonction de relier la terre au ciel et dans nos cerveaux des araignées tendent leurs filets.
Tous les adjectifs ajoutent une connotation négative aux substantifs auxquels ils se rapportent “jour noir, cachot humide, plafonds pourris, etc."
Strophe 4: Les cloches qui hurlent affreusement accompagnent l’irruption de la crise nerveuse
Strophe 5: le poète a été écrasé par le long ennui. Vaincu il pleure et il s’incline devant le destin mauvais.
La dernière strophe change son rythme; ce n’est plus le sursaut violent de la crise, ici tout est lenteur le malade se retrouvant avec les fantômes de la défaite et de la mort.